• 47 - Au revoir

    47 - Au revoir

    Parmi les groupes que je recevais à Calafate, je vis un jour une Québécoise, qui parlait un espagnol fort honorable.

    Je lui commentai qu’il était très rare pour nous de rencontrer des nord-américains qui parlent espagnol.

    « – C’est que j’habite ici, me dit-elle, je travaille au Consulat du Canada à Buenos Aires. »

    TILT ! J’avais fait une demande de visa pour le Québec, une paire d’années auparavant, et le Consulat du Québec à Buenos Aires m’avait répondu que l’immigration était fermée pour le moment. Je n’avais pas insisté. Je ne suis pas du genre à immigrer clandestinement. Si j’étais d’une autre nationalité, peut-être n’aurais-je pas le choix…

    Je lui contai donc ma demande, le refus du Québec. Elle me dit que l’immigration avait réouvert, et que, comme Française, j’avais mes chances. Le Québec établissait un quota chaque année, selon la profession dont ils avaient besoin. Il paraît que les secrétaires étaient dans la liste. Elle prit mes coordonnées en partant, me promit de rechercher mon dossier et de m’envoyer les formulaires pour une autre demande.

    Dans le tourbillon de la saison, je l’oubliai complètement. C’est en revenant à Bariloche qu’une grande enveloppe brune aux armes du Consulat du Canada m’attendait. La passagère avait tenu parole.

    Je remplis ma demande à la hussarde : s’ils me prennent, tant mieux, sinon, tant pis. Je déclinai de mon mieux toutes mes compétences professionnelles. Je me présentai comme secrétaire, et mentis effrontément sur mes compétences en informatique : en ce temps-là, elles étaient strictement égales à zéro.

    J’en étais restée aux machines à écrire. Lorsqu’il m’arrivait de faire un tour dans les bureaux de Lake, à Bariloche, je regardais avec curiosité ces télévisions à clavier, avec le vague sentiment d’être en train de rater quelque chose.

    A la question « Combien d’argent comptez-vous amener au Canada ? », je marquai : US$ 3.000 ; « Véhicule » : aucun ; « Biens mobiliers » : non plus. Au diable, ça passe ou ça casse.

    Ça passa.

    Je fus bien étonnée de recevoir l’acceptation canadienne de ma demande d’immigration pour le Québec. Et bien contente aussi. La situation économique n’était guère reluisante en Argentine, le Canada, c’était plus sérieux.

    Restait l’épineuse question d’Angel, qui n’avait aucune chance d’être pris, lui. On décida d’y aller ensemble, on se marierait là-bas, pour qu’il obtienne le visa.

     

    On remplit 2 malles et 3 valises. Angel laissa sa petite maison en bois à un copain pour qu’il s’en occupe. On fit un asado mémorable pour nos adieux, tous les copains et les copines étaient là.

    On trouva un camion qui partait pour Buenos Aires. On chargea les malles dessus. Dans la cabine on rentrait juste à trois, sans ceinture de sécurité, ça n’existait pas. Nos têtes reposaient sur une petite vitre qui donnait sur la plateforme derrière.

    Le jour du départ, les adieux étaient faits, l'asado mangé, les malles chargées. On a démarré, le coeur serré, tous les trois, tout seuls. Au panneau de la sortie de Bariloche, au ruisseau du Ñireco, un attroupement de gens, debout sur le bord.

    Ils étaient tous là, les amis, à agiter les mains en disant adieu.

    Angel et moi, nous pleurions comme des veaux.

     

     

    On avait 1650 km à conduire.

    Trois provinces à traverser : Río Negro, La Pampa, et la prov. de Buenos Aires.

    Alors on s’est relayés au volant. Le camion était encore plus veau que nous : l’accélérateur à fond plafonnait à 80 km/h. Au bout d’un moment ça fatiguait la jambe. On trouva des bouts de bois pour le bloquer au plancher. La plus grande vitesse, la 4e, ne restait pas en place. Le levier de vitesse sautait tout le temps et se mettait au point mort. D’autres bouts de bois en travers aidèrent à le coincer sur la 4e.

    On s’arrêtait manger aux relais routiers, puis on dormait pendant que l’un conduisait.

    Quelque part sur la route, il y a une ligne droite. Sur 1600 et quelques kilomètres,  ça peut arriver, me direz-vous. Mais cette ligne droite là, la « Recta del Desierto », elle fait 200 km. Sans animaux, sans humains, il n’y a RIEN, seulement une petite ville au milieu avec une station service. D’ailleurs les panneaux vous avertissent : Prochaine station service : 110 km. Et des voitures calcinées sont montées sur des poteaux : attention, accidents. Les gens s’endorment et terminent en tonneaux.

    Chapitre 47 - Au revoir

    On l’a passée de nuit. C’est Angel qui se l’est farcie, nous on dormait. Mais d’un œil. Je n’étais pas tranquille, cette route a trop mauvaise réputation. Entre deux sommes, je lui demandais si ça allait, s’il n’avait pas sommeil. Quand on est arrivés au bout, on s’est arrêtés boire un café. Angel, chapeau bas !

    De temps en temps il fallait s’arrêter à un poste de contrôle de la police provinciale. Grands coups de pieds dans les bouts de bois, histoire de ne pas se faire prendre avec notre pilote automatique, et on donnait un petit billet au passage, c’est courant là-bas. Sinon les flics vous font poireauter.

    A l’arrivée dans la province de Buenos Aires, de bon matin, on était deux à dormir à poings fermés. Je ne sais plus qui conduisait. Le flic, nous voyant écroulés sur la banquette, demanda d’où on venait. « – Bariloche ! ». Il hocha la tête et nous laissa passer.

    La circulation s’intensifiait, les trous dans le goudron aussi, des maisons avec leur réservoir d’eau sur le toit, des commerces, on arriva chez les parents d’Angel, à General Pacheco.

     

    Une semaine après, on prenait l’avion à Ezeiza, pour Montréal. Mais c'est une autre histoire.

     

    Fin

     

     

     

     

     

    Yo Vengo A Ofrecer Mi Corazón

    Fito Paez

    ¿Quién dijo que todo está perdido?
    yo vengo a ofrecer mi corazón,
    tanta sangre que se llevó el río,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    No será tan fácil, ya sé qué pasa,
    no será tan simple como pensaba,
    como abrir el pecho y sacar el alma,
    una cuchillada del amor.

    Luna de los pobres siempre abierta,
    yo vengo a ofrecer mi corazón,
    como un documento inalterable
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Y uniré las puntas de un mismo lazo,
    y me iré tranquilo, me iré despacio,
    y te daré todo, y me darás algo,
    algo que me alivie un poco más.

    Cuando no haya nadie cerca o lejos,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.
    cuando los satélites no alcancen,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Y hablo de países y de esperanzas,
    hablo por la vida, hablo por la nada,
    hablo de cambiar ésta, nuestra casa,
    de cambiarla por cambiar, nomás.

    ¿Quién dijo que todo está perdido?
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

     

    Je viens offrir mon coeur

    Fito Paez

    ¿Qui a dit que tout est perdu ?
    yo vengo a ofrecer mi corazón,
    le fleuve a emporté tellement de sang,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Ca ne sera pas si facile, je sais ce qui se passe,
    Ca ne sera pas aussi simple que ce que je pensais,
    comme ouvrir la poitrine et sortir son âme,
    un coup de couteau de l'amour.

    Lune des pauvres toujours ouverte,
    yo vengo a ofrecer mi corazón,
    comme un document inaltérable
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Et j'unirai les pointes d'une même corde,
    et je m'en irai tranquille, je m'en irai lentement,
    et je te donnerai tout, et tu me donneras quelque chose,
    quelque chose qui me soulagera un peu plus.

    Quand il n'y aura personne près ou loin,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.
    quand les satellites ne suffiront pas,
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Et je parle de pays et d'espoirs,
    je parle pour la vie, je parle pour le néant,
    je parle de la changer, notre maison,
    de la changer juste pour changer.

    Qui a dit que tout est perdu ?
    yo vengo a ofrecer mi corazón.

    Musique : Fito Paez (Argentine) "Yo vengo a ofrecer mi corazón"

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