• 29 - Les Indiens Tehuelches

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    Jusqu’au détroit de Magellan, le sud de la Patagonie était habité par des indiens Tehuelches.

    Il n'y a plus de Tehuelches à l'heure actuelle. Ils ont disparu. Lorsqu’il y en avait encore, les autorités payaient les assassins d’Indiens, qui devaient prouver leur crime en ramenant des oreilles d’indiens morts. On en a vu qui en ramenaient des paniers pleins. D’autres leur laissaient la vie sauve, se contentant de leur couper les oreilles. C’est ainsi que l’on trouvait alors des Indiens qui n’en avaient plus.

    Ce nom appartient au langage araucan (mapuche), les Tehuelches ne se désignaient  pas ainsi eux-mêmes. Ils se désignaient comme les Aoniken, qui signifie « Gens du Sud » (du sud du río Chubut), dont le nom « Tehuelche » est la traduction en araucan. Vous suivez ?

    C’était un peuple athlétique, de haute stature. Lors de l’expédition de Magellan en 1521, les bateaux furent forcés de passer l’hiver à Puerto San Julian, un peu au Nord de Río Gallegos. Le secrétaire de l’expédition, Antonio Pigafetta, relate qu’un jour un indien se tenait sur le rivage, le premier Tehuelche  que des Blancs aient jamais vu. Pigafetta écrit « Nuestro capitán los llamó Patagones » « Notre capitaine - c’est-à-dire Magellan- les appela les Patagons ». Pigafetta n’explique pas pourquoi Magellan les appela « Patagons ».

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Toldo (tente) Tehuelche vers 1925. Les Indiens sont habillés avec des quillangos en peau de guanaco, poil à l'intérieur. La partie antérieure de la tente (en tissu de teinte claire) est fermée, en position "hiver". La partie postérieure est en peau de guanaco aussi.

    Longtemps on supposa que ce nom était lié à la taille de leurs pieds : un patagón, ce serait quelqu’un qui a de grandes pattes, des grands pieds. Observant leurs traces sur le rivage, qui plus est chaussés de bottes de peau de guanaco -les hivers sont froids-, la pointure avait dû impressionner les Espagnols.

    Mais l’hypothèse a été abandonnée. D’abord, les plages de San Julian sont faites de graviers et de galets, peu propices à recueillir des traces. Puis on a redécouvert un roman de chevalerie de l’époque, Primaleón de Grecia, où se trouve un personnage appelé « Patagón ». On sait qu’à bord des bateaux au long cours, les officiers faisaient de temps en temps la lecture de romans de chevalerie à l’équipage illettré. Les feuilleton de l’époque. Il existait donc une culture commune dans ces expéditions, tous savaient de qui l’on parlait. Cela explique que Pigafetta n’indique pas d’où vient ce nom : c’était une évidence pour tout le monde.

    Ce n’est pas la seule région dont on a pioché le nom dans un roman de chevalerie. Dans Las Sergas de Esplandían, un roman espagnol de 1510, California est une région paradisiaque où règne Califia, la reine des Amazones.

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Toldo Tehuelche vers 1925. Ouverture orienté à l'Est, dos au vent. Tente ouverte position "été".

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Un "huinca" (européen) en visite. On suppose que c'est un prêtre salésien.

    Après Magellan, il faudra attendre le Perito Moreno pour en savoir un peu plus. Arpentant la Patagonie pour la cartographier, afin de régler le conflit de frontières avec le Chili, Francisco Pascasio Moreno rencontre des Tehuelches. Il commence un dictionnaire tehuelche-espagnol. C’est à lui que l’on doit le peu que nous savons de cette langue éteinte.

    Moreno explique que les Tehuelches ont un tabou avec la mort : on ne doit pas prononcer le nom d’un défunt. On ne doit pas non plus se servir d’un objet ayant appartenu à un défunt. Et on doit changer le nom des objets dont se servait le défunt. Donc la langue se renouvelait tout le temps. Prodigieuse créativité…

    Il a vu des Tehuelches dans leur habitat. Nomades, ils montaient leurs tentes en peau de guanaco au milieu de la steppe ventée, l’ouverture du côté opposé au vent.

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    La christianisation est passée par là. L'adulte est Cuaterno, Kuátern(ü). L'enfant est Rufino Ibañez, qui sera le dernier cacique (chef indien) de la communauté de Camusu Aike, province de Santa Cruz. 

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Ci-dessus : Colojo (nom espagnolisé), K'oloj(on) (nom Tehuelche) photo prise à Camusu Aike, province de Santa Cruz, 1915

    Le quillango (la cape) en peau de guanaco est toujours là, mais les pantalons et les souliers sont européens.

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    José Rondán

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Les peaux de guanaco sont remplacées par du tissu.

    De gauche à droite, debout : Catalina Ibañez, Kóila ou Clorinda Coile, Ramona Lista ; à droite "Lola" Cuaterno (Loóla) ; au bord, l'enfant Rufino Ibañez

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Kámk'ser, avec sa fille (?) qui porte des bijoux à la mode araucane. Camusu Aike.

     

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Tissage d'une ceinture en laine vers 1930. (La tisseuse est la dernière femme à droite. Les autres sont réunis pour la photo).

    Puerto Coyle. Au centre, K'elk'o. A droite Kámk'ser, la tisseuse. A gauche sa fille présumée, se tenant à côté de K'chorro (avec les deux bouteilles).

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    K'elk'o

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    C'était un peuple de haute stature.

    Copacho, Kop'achüs. Sur sa tombe, à Río Gallegos, est écrit : "Copacho, Roble humano. De pura estirpe tehuelche. Guía de exploradores. Falleció centenario. En Las Horquetas, el 5 de julio de 1939".

    "Copacho, chêne humain. De pure race tehuelche. Guide d'explorateurs. Il est mort centenaire. A Las Horquetas, le 5 juillet 1939".

    (ndt : en plein hiver).

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Peut-être l'indienne Jelpan, mère de José Rondán, photo vers 1925-30.

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Rio Gallegos, 1930

    Les Tehuelches chassaient avec arc et flèches, et avec des cailloux arrondis traversés d’une strie. On attachait deux cailloux au bout d’une cordelette, et les Indiens les lançaient dans les pattes des guanacos ou des autruches. Entravés, les animaux étaient forcés à l’immobilité. Cela s’appelle des boleadoras et les gauchos en font encore usage parfois.

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

     

     

     

     

    Usage de la boleadora par un gaucho d'aujourd'hui.

     

     

     

     

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Travail de plumer une autruche. D'autres autruches figurent à l'arrière plan. La taille des oiseaux montre que ce sont des jeunes, plus tendres et meilleurs à manger.

    Juan Yebes, chilien, avec sa femme Kámk'ser et d'autres, devant un foyer à l'air libre.

    Les habitants actuels de Patagonie ont souvent sur le buffet des pointes de flèche ou des boules de boleadoras, qu’ils ont trouvées par terre, dans la steppe. Il faut de bons yeux.

    Un collègue guide de Puerto Madryn, faisait patienter ses passagers sur la route lors d’une panne du car. Le groupe était descendu se dégourdir les jambes. Dans la steppe il n’y a rien à montrer. Il se met donc à parler d’histoire, de Tehuelches et de Mapuches, de chasse, et de pointes de flèches. C’était un groupe de Français, les Français aiment bien la Patagonie.

    Il leur raconte qu’il collectionne lui-même les pointes de flèches, mais qu’elles sont difficiles à trouver au milieu de cette immensité. Il leur décrit celles qu’il a trouvées. Une passagère se baisse, ramasse quelque chose à ses pieds, et lui tend : « Comme ça ? » Il en tombe à la renverse : c’en était une. En me racontant, il râlait : « Toute ma vie à en chercher, j’en ai trouvé une dizaine, et cette dame arrive de France et en ramasse une en descendant du car, che ! »

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Museo del Indio y del Gaucho, Tacuarembó, Uruguay

    Extrait d'une conférence de Rodolfo Casamiquela à la Société des Guides de Bariloche, octobre 1985

    Durée : 5 minutes

     

    Rodolfo Casamiquela

    Conferencia a la Sociedad de Guías de San Carlos de Bariloche

    10 de octubre de1985 - Hotel Pilmayquen

     

    Y entre los Tehuelches, ¿ habrá una relación entre la forma de la piedra bezoar(1), que es sagrada, y el cosmos ? Esa es la clave del asunto. Los Tehuelches concebían el universo como una especie de gigante, (dibuja en el pizarron) . Esto es el plano de (..?..) y por aquí pasa el eje del universo. La idea del eje del universo existe en todo el mundo, siempre el eje del universo coíncide con el sitio en donde está el epicentro de la distribución de un pueblo determinado. Y está simbolizado en la vivienda e incluso (..?..) mundo. La vivienda puede ser cónica, conocen ciertos tipos de toldos cónicos que existen en América del Norte, que fue el tipo de toldos que tuvieron los Pehuenches de la cordillera, los únicos. O puede ser cupuliforme, como es el toldo tehuelche, como es el toldo de los indígenas de Tierra del Fuego. Imagínenlo de costado ahora, al toldo tehuelche. Normalmente está asi, acá está la fogata, acá estan las camas, acá hay una divisoria, acá la gente. Pero falta el resto. Cuando lo armaban entero, así, visto de costado, es una cúpula. La fogata queda al centro y el humo sale por el eje del universo a través del cual puede transitar el espíritu del hechicero en extasis. El hechicero que controla la técnica del extasis se llama shaman en lenguaje técnico, porque trabaja los (..?..) de la religión. El shaman circula en espíritu a través del agujero del universo, por el cual vienen los espíritus de los antepasados en la tierra. Son (..?..) por el agujero del universo en que se reunen el plano celeste, cósmico, y el plano terrenal. Y a veces es un plano, como los científicos dicen, tónico, es decir terrenal, o hasta infernal, a veces no, tónico. Solamente por ese hueco se vinculan los tres planos.

     

    Y ven qué interesante, que el Tehuelche llama al remolino de viento « tselil» pero no llama así al remolino del agua, que lo llama « kapjia ». « Kapjia » es la cavidad del mortero por ejemplo. Ven qué interesante es, porque el remolino del agua forma una cavidad se dan cuenta Uds, un embudo que hace. El indígena ve el embudito, entonces se asocian, yo puedo demostrar después, los conceptos de cavidad, con el concepto de giro y con el concepto de capas concéntricas. De ahí sale un camino de investigación (..?..) no es cierto, hay para enseñar noches de fascinación maravillosa, cierto, lo cuento a Uds, pero lo recorro solito. No tengo con quién intercambiar este tipo de datos. No existe nadie, nadie.

     

    Y esto es la clave si embargo, la única clave que existe, a través de la linguística, de las etimologías, de interpretar el arte rupestre. Muchos me han planteado, ahí está, expresado en un código que no conozco, o mal, no es cierto, a lo mejor, la cosmovisión de un pueblo, la idea del más allá. ¿Como pasarlo a mi propio código ? Necesito una clave. Yo tengo una de las claves, que son los nombres que los indígenas daban a los símbolos de todo eso, el Tehuelche, el araucano, en la traducción de los Tehuelches, y he penetrado en una cantidad de cosas realmente (..?..) Y a través de esta pequeñas pistas, se encuentra, piedra bezoar, (..?..) a otra cosa y van saliendo cadenas de asociaciones de ideas (..?..) Pero es un mundo maravilloso que yo estoy recorriendo, ejercicio, y le aseguro que nunca se van a aburrir o desencantar, si Uds pueden tener la proximidad así de este tipo de ejercicio.

     

    Es muy probable entonces que la piedra que estaba asociada con el « chewurfe » o el « cherrufe » de Calfucurá sea una piedra bezoar.

     

    (1) nda : la piedra bezoar es un cálculo que se encuentra en el estómago de los animales. Para los Techuelches, era sagrada la del guanaco.

    Rodolfo Casamiquela

    Conference à la Société des Guides de San Carlos de Bariloche

    10 octobre1985 - Hotel Pilmayquen

     

    Et entre les Tehuelches, y a-t-il une relation entre la forme de la pierre bézoard(1), qui est sacrée, et le cosmos ? C'est la clé de la question. Les Tehuelches concevaient l'univers comme une espèce de géant (il dessine au tableau). Voilà le plan de (..?..) et c'est par ici que passe l'axe de l'univers. L'idée de l'axe de l'univers existe dans le monde entier, l'axe de l'univers coïncide toujours avec l'endroit où se trouve l'épicentre de la distribution d'un peuple déterminé. Et il est symbolisé dans l'habitation y compris (..?..) monde. L'habitation peut être conique, vous connaissez certains types de tentes coniques qui existent en Amérique du Nord, qui était le type de tentes qu'avaient les Pehuenches de la cordillère, les seuls. Ou elles peuvent être en forme de coupole, comme l'est la tente tehuelche, comme l'est la tente des indigènes de Terre de Feu. Imaginez-la de côté, maintenant, la tente tehuelche. Normalement elle est comme ça, ici se trouve le foyer, ici les lits, ici il y a une division, ici les gens. Mais il manque le reste. Lorsqu'ils la montaient entière, comme ça, vue de côté, c'est une coupole. Le foyer est alors au milieu et la fumée sort par l'axe de l'univers par lequel peut sortir l'esprit du sorcier en extase. Le sorcier qui contrôle la technique de l'extase s'appelle shaman en langage technique,parce qu'il travaille les (..?..) de la religion. Le shaman circule en esprit à travers le trou de l'univers, par lequel arrivent les esprits des aïeux sur la terre. Ils sont (..?..) par le trou de l'univers, où se réunissent les plans céleste,cosmique et le plan terrestre. Et parfois c'est un plan, comme disent les scientifiques, tonique, c'est-à-dire terrestre; ou même infernal, parfois, n'est-ce-pas, tonique. C'est seulement par ce trou que ces trois plans se relient.

    Et voyez comme c'est intéressant, le Tehuelche appelle le tourbillon de vent « tselil», mais il n'appelle pas ainsi le tourbillon de l'eau, qu'il nomme « kapjia ». « Kapjia » c'est la cavité du mortier, par exemple. Voyez comme c'est intéressant, parce que le tourbillon de l'eau forme une cavité, vous voyez, ça fait un entonnoir. L'indigène voit le petit entonnoir, alors se produit une association, je peux le démontrer par la suite, entre les concepts de cavité, celui de tourbillon et celui de couches concentriques. De là une voie de recherche démarre (..?..) n'est-ce pas, on a de quoi enseigner des nuits de fascination merveilleuse, c'est sûr, je vous en parle, mais je la parcours tout seul. Je n'ai personne avec qui échanger ce genre d'informations. Il n'existe personne, personne.

    Et c'est la clé, cependant, l'unique clé qui existe,à travers la linguistique, l'étymologie, pour interpréter l'art rupestre. Beaucoup m'ont posé la question : voilà, exprimé dans un code que je ne connais pas, ou mal, n'est-ce pas, au mieux, la cosmovision d'un peuple, l'idée d'un au-delà. Comment le transposer dans mon propre code ? J'ai besoin d'une clé. Je possède une des clés, ce sont les noms que les indigènes donnaient aux symboles de tout cela, le tehuelche, l'araucan, dans les traductions des Tehuelches, et je suis rentré dans une quantité de choses, réellement (..?..) Et à travers de toutes ces petites pistes, on trouve la pierre bézoard (..?..) à autre chose et apparaissent des chaînes d'associations d'idées (..?..). Mais c'est un monde merveilleux que je parcours, que j'exerce, et je vous assure que jamais vous ne vous ennuierez ou serez désenchanté, si vous pouvez avoir la proximité de ce type d'exercice.

     

    C'est très probable alors que la pierre qui était associée au « chewurfe » ou « cherrufe » de Calfucurá soit une pierre bézoard.


     

    (1) nda : le bézoard est un calcul que l'on trouve dan l'estomac des animaux. Pour les Techuelches, celui du guanaco était sacré. 

     

    Chapitre 29 - Les Indiens Tehuelches

    Rodolfo Casamiquela

     

    Références :

    Photos : Boutique du photographe Roil de Rio Gallegos, 1981. Il avait les négatifs et les proposait au public.

    Noms sur les photos : Proviennent de l'ouvrage "Del mito a la realidad, evolución iconográfica del pueblo tehuelche meridional", auteurs Rodolfo Casamiquela, Osvaldo Mondelo, Enrique Perea, Mateo Marcinic Beros - Edité par la Fundación Ameghino

    Fichier audio : Conférence de Rodolfo Casamiquela à la Société des Guides de Bariloche, octobre 1985. Enregistrée par l'auteur de ce blog.

     

     

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