• 36 - Magellan et son détroit

    36

    A la recherche des Indes et des épices (poivre, canelle…), qui valaient fort cher en Europe, Christophe Colomb avait traversé l’Atlantique. Des Vikings l’avaient fait avant lui, vers le nord de ce qui est aujourd’hui le Canada.

    Colomb était arrivé à une île des Caraïbes le 12 octobre 1492. (¡Nos descubrieron !) (Ils nous ont découvert !) Cette date est un jour ferié en Amérique latine. (Como era 12 de octubre, hallaron todo cerrado.) (Comme c’était le 12 octobre, ils ont trouvé tout fermé.)

    Croyant avoir trouvé les Indes, il dénomma les humains qu’il rencontra des « Indiens ». Colomb réalisa plusieurs voyages, et mourut persuadé que c’était bien aux Indes qu’il avait débarqué.

    Les navigateurs qui prirent sa suite s’attaquèrent au contournement de cette terra incognita qui leur barrait le chemin des Indes. L’Océan Pacifique avait été découvert en 1513 par par Vasco Nuñez de Balboa, qui avait traversé à cheval l’isthme de Panamá. Il l’avait baptisé « Mer du Sud ».

     

    Fernand de Magellan, portugais né entre 1472 et 1473, à Oporto, présenta un projet de navigation à son roi Don Manuel de Portugal, qui ne s’y intéressa pas. Le Portugal possédait le monopole du commerce des épices, depuis le traité de Tordesillas, signé le 7 juin 1494 entre les rois de Castille et Jean II du Portugal. Grâce à ce monopole, le Portugal engrangeait 200 000 ducas par an.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Fernand de Magellan

    Comme Colomb son prédécesseur, Magellan s’expatria. Il alla trouver le souverain qui prendrait ces voyages au sérieux : le roi Charles Ier d’Espagne, également appelé Charles Quint, Empereur d’Allemagne. Magellan lui proposa de faire la preuve que les îles Moluques (grand producteur d’épices) se situaient en territoire espagnol. Le roi l’accueillit et accepta son projet avec un grand enthousiasme.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Charles Quint (V) roi d'Espagne et Empereur d'Allemagne

    « …. j’espère trouver quelque part un passage, une entrée pour les Indes orientales. Je trouverai ce passage, je suis le seul à connaître son existence, qui unit l’Océan Mer du Nord avec la Mer du Sud, et je sais à quel endroit je le trouverai. Je le sais, je connais cet endroit. Donnez-moi une escadre et, au bénéfice de Votre Majesté j’arrivai vers Elle depuis l’Est vers l’Ouest, je ferai le tour de toute la terre et j’arriverai aux Moluques. » (Magellan)

     

    10 janvier 1518 :

    Magellan se marie à Séville, en l’église San Bartolomé, avec Béatrice, fille de son protecteur sévillan don Diego de Barbosa et de María Caldera. Il est père d’un garçon, Rodrigo. Sa femme attend un deuxième enfant lorsqu’il commence son voyage historique.

     

    20 septembre 1919 :

    San Lucar de Barrameda, embouchure du Guadalquivir dans l’Atlantique, à quelques km de Séville. Cinq caravelles apareillent :

                            - la Trinidad,          110 tonneaux, navire amiral, Magellan à son bord.

          270            - La San Antonio, 120 tonneaux, la plus grande, commandée par Jean de Carthagène.

    personnes        - la Concepción,     90 tonneaux, commandée par Gaspar de Quesada, avec Elcano à bord.

                            - la Victoria,           85 tonneaux, Luis de Mendoza

                            - la Santiago,          75 tonneaux, Juan Serrano.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Itinéraire :

    - Iles du Cap Vert

    - Traversée de l’Atlantique

    - Côtes du Brésil

    - Puerto Santa Lucía (c’est-à-dire Río de Janeiro) le 13 décembre 1519 (plein été).

    - Río de la Plata (déjà découvert par Diaz de Solis en 1515) le 12 janvier 1520. Magellan le remonte un peu et fait plonger des seaux pour goûter l’eau. Hélas, elle est douce. Il fait demi-tour.

     

    La plus grande partie des archives du voyage s’est perdue dans les naufrages des caravelles et avec la San Antonio, qui se mutinera à l’arrivée au détroit, et dont le capitaine sera fait prisonnier par l’équipage. Par conséquent nous n’avons pas de récit détaillé de la traversée de l’Atlantique.

    Cependant un Lombard, originaire de Vicenza en Italie, était arrivé à la cour d’Espagne avec le légat pontifical, sorte d’ambassadeur du Pape. Il s’agit d’Antonio Pigafetta, qui prend part à l’expédition sur la Victoria et figure sous le nom de « Antonio Lombard ».

    « Pigafetta est installé sur l’entrepont. Il y installe son coffre et ses affaires, et à la nuit venue, il étendra une couverture et le petit matelas qui lui servent de lit, assurant son intimité, parce qu’il est affecté au service du capitaine, par une toile suspendue au plafond. Il devra enlever tout cela à l’aube, et devra écrire n’importe où et comme il peut, accroupi ou allongé, car sur la caravelle l’espace est réduit. Il prendra des notes quotidiennes sur un journal de bord. »  (Armando Braun Menendez, Estudio Preliminar, Editorial Francisco de Aguirre, Buenos Aires Santiago, 1970)

     

    Ce que mangent les marins, c’est du biscuit, du poisson séché, des raisins secs, des figues, et un ragoût composé de fèves, lentilles, pois chiches, riz, lard, ail, « et que chaque marin, tonnelier, charpentier, et calfat doit préparer dans sa propre marmite et son propre feu, posé sur une couche de sable et protégé des vents par une espèce de guérite. » (Pigafetta)

    Dans ces conditions, le scorbut attaque les hommes à partir du Détroit. 19 hommes en meurent, entre lesquels le géant Patagon capturé à San Julián.

    Navigant vers le Sud, les marins observent des manchots pour la première fois. Ils le décrivent comme gros et gras, à la peau très dure, et pas bons à manger.

     

    Mai 1520 :

    L’hiver arrive. Les caravelles s’abritent dans la crique de ce qui est aujourd’hui Puerto San Julián, province de Santa Cruz. C’est là que l’on passera l’hiver, pendant cinq mois. Ils sont installés depuis deux mois lorsqu’ils rentrent en contact pour la première fois avec des Tehuelches. (cf chapitre 29). « Notre capitaine (c’est-à-dire Magellan) donna à ce peuple le nom de Patagons ». Dans l’original de son récit, Pigafetta écrit « Pathagoni ».

    « Un seul, presque nu, chantant et dansant, et se jettant du sable sur la tête ». Magellan envoie un marin à terre avec ordre de faire pareil. L’indien se laisse amener vers une île où se trouvait Magellan, Pigafetta et quelques autres. Lorsqu’il les rencontre, l’Indien lève un doigt vers le ciel. Les Blancs pensent que l’Indien croit qu’ils descendent du ciel. Son visage est peint en rouge, ses yeux cerclés de jaune, et deux dessins en forme de cœur occupent les joues. Ses cheveux sont blanchis avec une sorte de poudre. Il porte une cape en peaux de guanaco cousues entre elles. Il en est aussi chaussé. Il porte un arc et des flèches de roseau, courtes, empennées de plumes, et pointe en pierre. Les Blancs lui donnent un miroir. L’Indien prend peur, qui recule en jetant à terre quatre hommes qui se trouvaient derrière lui.

    Six jours après un autre Indien arrive. « Il possédait des manières plus douces, il dansait et sautait si haut et avec tant de force que ses pieds s’enterraient de plusieurs pouces dans le sable. Il passa quelques jours en notre compagnie. Nous lui avons appris à prononcer le nom de Jésus, la prière dominicale, etc, ce qu’il arriva à faire aussi bien que nous, malgré une voix très forte » Ils le baptisent Jean. Il part, pour revenir le lendemain avec un guanaco comme offrande.

    Les marins, nous conte Pigafetta, par la ruse font deux jeunes prisonniers en vue de les ramener en Europe.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

     

    Les mutineries :

    A peine les caravelles ont-elles mouillé à San Julián, que les capitaines des autres bateaux fomentent un complot pour tuer Magellan : Jean de Carthagène, capitaine de la San Antonio et veilleur de l’escadre, Luis de Mendoza, capitaine de la Victoria et trésorier de l’expédition, Antonio Coca, comptable et Gaspard de Quesada, capitaine de la Concepción. Le seul qui reste fidèle c’est Juan Serrano, capitaine de la Santiago.

    La mutinerie échoue. Jean de Carthagène est écartelé, Luis de Mendoza poignardé, Gaspard de Quesada gracié. Celui-ci projette déjà une autre trahison quelques jours plus tard. Magellan n’ose pas le tuer parce qu’il avait été nommé capitaine par l’Empereur Charles Quint en personne. Il l’abandonne à terre avec un prêtre français, Bernard Calmette. (Pigafetta)

    Depuis leur départ, le roi du Portugal, inquiet, avait envoyé quelques navires à la chasse de l’expédition. Raison de plus pour Magellan, qui le savait, d’aller de l’avant.

     

    Naufrage de la Santiago :

    Depuis San Julián, Magellan envoie la Santiago reconnaître la côte vers le Sud. Elle fait naufrage sur des rochers près de l’embouchure du fleuve Santa Cruz, (fleuve Sainte Croix) ainsi baptisé par Jean Rodriguez Serrano, pilote de la Santiago, qui le découvrit le 6 mai 1520, jour de l’exaltation de la Sainte Croix. L’équipa échappe au naufrage par miracle. Ils demeurent deux mois à récupérer les restes que l’océan rejette sur la côte, et tout ce temps là les autres leur apportent des vivres depuis San Julián, malgré la distance (250 km, quand même), « les épines et les fourrés ».

    Ils plantent une croix sur une colline de San Julián, qu’ils baptisent Montecristo, et le 24 août 1520, l’escadre appareille. (Pigafetta).

     

    Fleuve Santa Cruz :

    L’escadre entière est près de faire naufrage à cause de la tempête. Ils passent là deux mois pour se réapprovisionner en eau et en bois. (Pigafetta).

    NDA : L’embouchure se situant vers l’actuelle ville de Puerto Santa Cruz, on peut juger que pour aller chercher du bois, ils ont dû faire pas mal de chemin.

     

    21 octobre 1520 : Découverte du Détroit

    Le 21 octobre était, selon le calendrier espagnol de l’époque, dédié à Sainte Ursule et à ses compagnes martyres. Ils appelèrent le cap « Cap des Vierges » et le détroit « Détroit des Onze Mille Vierges ». (Pigafetta) Ce n’est que bien plus tard que le Détroit changea de nom pour prendre celui de son découvreur européen.

    Les quatre caravelles mouillent à Bahía Posesión : la Trinidad, la San Antonio, la Concepción et la Victoria. Ils constatent la grande profondeur du détroit.

    Les marins sont persuadés que le détroit n’a pas de sortie. Seul Magellan sait qu’il en a une, par une carte élaborée par Martin de Bohême (ou Behaim), conservée par le roi du Portugal. (Pigafetta). Les marins supplient Magellan de faire demi-tour. Celui-ci n’en a cure.

     

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Carte de Pigafetta, le Sud est en haut.

     

    La navigation dans le détroit

    Les caravelles doivent naviguer vers l’Ouest, à voile, contre le vent. Navigation délicate dans les passages resserrés. Toute l’expérience des marins est mobilisée pour explorer et choisir un itinéraire possible au milieu de toutes ces îles et canaux qui se trouvent au Sud.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

     

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Conditions météo du détroit, avec un bateau moderne. Photo tanque 2 Directemar, Chili

    La plus grande des îles au Sud, c’est la Terre de Feu, aujourd’hui partagée entre le Chili et l’Argentine. Son nom ne vient pas d’une couleur quelconque mais de vrais feux. Cette île et tout le chapelet d’îles qui suivent en pointe vers le Cap Horn étaient habitées par des Indiens Onas, Yaganes et Alacalufes. Ils avaient l’habitude de communiquer en allumant des feux, notamment lorsqu’une baleine s’échouait quelque part. Ils invitaient toutes les tribus à venir manger, jusqu’à finir la baleine ! Lorsque Magellan engagea ses caravelles dans le détroit, l’information fit rapidement le tour de l’île. Ça c’était une nouvelle ! Les Indiens allumèrent donc tous les feux qu’ils purent. Alors, voyant la nuit rougeoyer de centaines de feux, Magellan baptisa l’île « la Terre de Feu ».

     

    En même temps, Magellan observe des étoiles inconnues dans l’hémisphère Nord. Il remarque « deux nuages » d’étoiles. Il s’agit de la seule galaxie visible à l’œil nu, appellée depuis « les nuages de Magellan ».

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    Les Nuages de Magellan

    Photo Thierry Draus, Flicker

     

    Magellan envoie la San Antonio et la Concepción en reconnaissance et leur donne cinq jours. La Victoria et la Trinidad attendent à Bahía Posesión. Les deux caravelles exploratrices passent le Premier Retrécissement, ("First Narrow" sur la carte ci-dessus), la Baie de San Gregorio, et le Second Retrécissement. Elles reviennent alors vers le navire amiral, hissant les couleurs et tirant des coups de canon pour annoncer que le détroit semble bien déboucher de l’autre côté.

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

    1er novembre 1520

    Toute la flotte part de Bahía Posesión jusqu’à la pointe de l’île Dawson, où s’ouvrent plusieurs bras du détroit. Magellan envoie la San Antonio et la Concepción au sud, c'est-à-dire à l’Est de l’île Dawson. Ils découvrent la Baie Inutile, le Canal Whiteside et la fin de ce canal, le Seno Almirantazgo, à l’Ouest de la Terre de Feu.

    8 novembre 1520

    La San Antonio s’éloigne et profite de la nuit pour déserter. Elle retourne vers l’Europe, et découvre en passant les îles Malouines (Martinič). Ils emportent avec eux un Tehuelche qui mourut de chaleur arrivé à l’équateur. Ils arrivèrent à Séville et amenèrent la nouvelle de la découverte du détroit.

     

    23 novembre 1520

    Les trois caravelles qui restent appareillent vers l’embouchure du Détroit :

    - la Concepción, capitaine Juan Serrano

    - la Victoria, capitaine Duarte de Barbosa

    - la Trinidad, capitaine Magellan.

     

    mercredi 28 novembre 1520

    Les caravelles débouchent sur l’océan. Le temps calme, sans vent, et la mer d’huile inspirèrent Magellan, qui baptisa ce nouvel océan du nom de « Pacifique ». Aujourd’hui tout le monde sait que cet océan n’a de pacifique que le nom. Ce jour là, exceptionnellement, l’océan calma ses vents rugissants. En honneur et en hommage à son découvreur européen, il lui offrit une journée éclatante de calme et de soleil.

    Ils avaient passé cinq semaines dans le détroit, parcourant approximativement cinq fois sa longueur entre les allées et venues et l’obligation de tirer des bords contre le vent.

    Magellan, en marin accompli, avait ainsi exploré et choisi l’itinéraire le plus logique, celui que la Marine chilienne a commencé à baliser à partir de 1850.

     

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

     

     

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    *

     

     

    Cinq cents ans plus tard, tu sais, Magellan, les avions passent au-dessus de ton détroit mythique.

    J’accompagnais un groupe de Français et nous étions sur le point de survoler le cap des Vierges, l’endroit où commence le détroit côté Atlantique. Je passais toujours de rangée en rangée pour avertir les gens de regarder par le hublot. Je me souviens d’une vieille dame au chignon blanc haut perché, professeur de géographie à la retraite. Le nez collé à la vitre, dans un émerveillement de petite fille : « Ooooh ! Il est comme sur les cartes ! »

     

    Chapitre 36 - Magellan et son détroit

     

    Ref :

    - Primer viaje en torno del globo - Antonio Pigafetta. Traducción José Toribio Medina.

    - El correo indio y la ocupación chilena del estrecho de Magallanes, B. M. Martinič

     

      

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  • Commentaires

    1
    Lundi 1er Janvier à 16:40
    pgl114

    Pas mal d'erreurs, de fautes de frappe.
    Visionnez ce formidable documentaire sur Arte.

      • Lundi 1er Janvier à 16:41
        pgl114

        https://www.arte.tv/fr/videos/093644-003-A/l-incroyable-periple-de-magellan-3-4/

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