• 6 

    Je passai mon premier Noël à Buenos Aires.

    Noël en été, ce n’est pas Noël. Surtout quand on voit un sapin avec des guirlandes et du coton pour faire la neige, près de la fenêtre ouverte par où rentre une chaleur de fournaise. C’est l’été, on n’a pas besoin de faire la fête le 25 décembre ! On fait la fête quand on veut, l’été ! Par contre, en juillet-août, l’hiver est long. Rien ne vient le couper, pas de pause pour se retrouver, pour bâfrer bien au chaud. Ça, ça manque. Le soir du 31 décembre donc, j’entendis les bateaux du port faire sonner leur sirène ensemble. Si proches. Le seul signe que Buenos Aires est un port. C’est dommage, cela ne se voit pas. J’étais donc sur le balcon, à renifler ces appels du large. On m’appela à l’intérieur, je tournai la tête et ne vis pas la plante grasse pointue à hauteur de ma joue. Le bout de la feuille acérée se planta dans ma pommette. La fumée des moteurs de voitures laisse un voile de suie partout. Cette pointe de plante grasse me fit rentrer la suie sous la peau. Un tatouage. Je l’ai toujours. La suie de Buenos Aires dans la peau.

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  • 7 

    Comme j’étais enregistrée au Consulat de France à Buenos Aires, je reçus ma carte électorale. En mai 1981, j’allai voter à l’unique bureau de vote de la capitale, dans l’Ambassade de France. Elle se situe sur l’avenue 9 de Julio, en plein centre, non loin du consulat. Au bout de cette avenue, en contrebas, se trouve un immeuble construit par Fiat, une tour ronde pleine de fenêtres carrées, que les porteños, rigolards, surnomment el rulero, le bigoudi. Par contre l’Ambassade française est un petit manoir 19ème, maintenant au milieu des gratte-ciels. En montant les majestueux escaliers, j’observai les employés. Internet n’existait pas encore, mais avec le décalage horaire, le personnel giscardien connaissait déjà les premières estimations. Leur mine déconfite me renseigna dès l’arrivée sur le probable résultat, hi hi ! Mon pas se fit malicieux dans l’escalier d’honneur. Ce n’est pas si souvent qu’on a l’occasion de rigoler à l’Ambassade !

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  • 8 

    J’en avais marre de Buenos Aires et de ses gratte-ciels, de ses voitures et ses autobus. Quand on sait que le reste du pays est immense et que la nature vous tend les bras !

    Je fis le siège de notre adorable directeur. Je le suppliai de m’envoyer dans une base, où il voudrait, je ferai les vitres, le parterre, ce que vous voulez, mais s’il vous plaît, sortez-moi de Buenos Aires !

    Un matin il m’appela dans son bureau :

    « – Sandra, je vous transfère dans une base.

    – Oh merci monsieur !

    – Mais ne venez pas vous plaindre : vous allez à Río Gallegos ! »

    Je sortis du bureau du chef avec des pieds ailés, disait Homère, et radieuse, courus annoncer la nouvelle à toutes les filles du bureau. Horrifiées :

    « – Mais Sandra, tu ne sais PAS ce que c’est, Río Gallegos ! »

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  • 9

    Un samedi, les Français de la base de Río Gallegos décidèrent d’aller visiter une curiosité naturelle de la province de Santa Cruz : le glacier Perito Moreno. On s’embarqua dans une chata, (Ford Pick up, incassable) et on mit le cap sur l’Ouest, vers la Cordillère.

    Le goudron ne dépassait pas les rues de la ville. Dès qu’on en sortait, on prenait les routes en terre. Ça fait un drôle d’effet, la première fois, de foncer sur une route qui d’un coup se mue en gravier. Je m’attendais à une catastrophe, des tonneaux, que sais-je, mais non, ça roulait. C’était juste beaucoup plus bruyant.

    On roula des heures sans croiser personne, dans la steppe patagonique. On  montait un escarpement, puis venait un grand plateau plat, puis un autre escarpement, puis un autre plateau… Vieux monsieur voisin de mes parents, comme vous aviez raison ! Tout d’un coup, on voit les montagnes au loin. Après des heures de steppe, ça vous change ! C’est beau.

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  • 10

    Les îles Malouines, justement. Ainsi dénommées parce qu’un bateau français de passage y déposa, punition courante à l’époque, des marins mutinés originaires de Saint Malo. Les Argentins les appellent « Las Malvinas » et les Anglais, qui ne font rien comme tout le monde, les Falklands.

     

     

    L’année 1982 tricotait ses jours, et le régime militaire, en place depuis 1976, s’essoufflait. Une énorme manifestation, la première, envahit les rues de Buenos Aires. La crise économique amenée par la libéralisation, le FMI et ses ravages, commençaient à susciter une grosse colère populaire. Du coup, les gens perdaient leur crainte de ce régime assassin.

    Les militaires pensèrent faire diversion en essayant de reconquérir les Malouines par la force. De plus, en droit international, il paraît, on disait, qu’il fallait casser la période de 150 ans d’occupation anglaise ininterrompue et sans réclamation, depuis 1833.

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