• 11

    San Carlos de Bariloche, c’est une ville au milieu d’un tas de lacs, au pied de la cordillère des Andes.

    Un bijou, un écrin, de l’eau bleue, des arbres verts, de la neige, de l’air pur, des pentes qui descendent doucement sur le lac, des chalets en bois.

    Quand on y va en car depuis Buenos Aires, on en a pour 1621 km. Soit 26 heures assis dans le car.

    « – Te tenés que llevar un lápiz.

    – Porqué ?

    – Para redibujarte la raya cuando llegas, porque se te borró ! »

    (« – Il te faut prendre un crayon.

    ­– Pourquoi ?

    – Pour te redessiner la raie des fesses quand tu arrives, parce qu’elle s’est effacée ! »)

    Depuis Buenos Aires, on traverse des plaines, la pampa, on monte un plateau. Des heures après, on grimpe sur un autre plateau (ô vieux monsieur voisin de mes parents !) puis le vert fait place au jaune, c’est la Patagonie, la steppe pelée. Des heures. C’est long. Et puis, après toutes ces heures de monotonie, d’un coup, au bout d’une côte, dans un virage, vous prenez ça dans la figure : les montagnes, le lac, et sa majesté Bariloche.

     

    Chapitre 11 - San Carlos de Bariloche

     

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  • 12

    La saison hivernale se termina, et avec elle l’aisance financière. Il fallait vivre jusqu’à la prochaine saison. Je donnai des cours de français à des enfants dans un institut privé. Cela ne garnissait pas beaucoup mon escarcelle, et me laissait au chômage pendant l’été des grandes vacances, décembre-janvier. (Ah ! Noël en été ! Pouah ! Par contre le 14 juillet sous la neige, c’est rigolo).

    Mes parents firent le voyage pour venir me voir. Ils assistèrent à Buenos Aires à une énorme manifestation contre le régime militaire. Le télégramme de la date de leur arrivée atterrit au bureau de tabac du quartier et n’alla pas plus loin. Le taxi se débrouilla comme un chef et finit par trouver mon chalet.

    Derrière le chalet, c’était le bois de cyprès, des cyprès argentins qui ressemblent à des pins. J’y allais souvent me promener, suivie par mon chat. J’ai eu de nombreux chats, mais c’est le seul qui suivait sa maîtresse comme l’aurait fait un chien.  A la première promenade avec mes parents, mon père ressemblait à un limier, la truffe au ras de terre. Il humait, retournait la terre du pied. Il disait à ma mère :

    « – Tu as vu la terre qu’ils ont ici ? Regarde cette terre ! Non mais tu as vu la terre qu’ils ont ? »

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  • 13

    Ça y était. Les militaires  lâchaient le pouvoir. Sept ans de dictature, de 1976 à 1983, des disparus à la pelle, des enfants volés, pour finir une guerre perdue, et les Malouines toujours anglaises. Le bilan n’était pas reluisant.

    Des élections se préparaient. Nos vieilles démocraties européennes n’ont pas idée de ce que cela représentait pour les Argentins, de « sacarse los milicos de encima », de s’enlever les uniformés de dessus le dos. L’Argentine n’en était certainement pas à sa première dictature. Jusque là, aucun gouvernement démocratiquement élu n’avait succédé à un autre gouvernement élu. Depuis l’indépendance contre l’Espagne, en 1810…

    C’est bien pour cela que, pour nous français, c’est difficile à concevoir. Là-bas, le pouvoir avait toujours été repris par des militaires. Donc, en 1982, les Argentins respiraient, mais se demandaient pour combien de temps…

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  • 14

    Bariloche possède une solide tradition andiniste, des sentiers, des refuges, des parois à grimper.

    Otto Meiling, un pionnier allemand, fut parmi les premiers à escalader les aiguilles du Cerro Catedral, le Mont Tronador, et en général tout ce qui est roche ou neige. Il avait construit sa maison sur le Cerro Otto, ainsi appelé en l’honneur d’un autre allemand, Otto Göedecke, un pionnier qui y vécut en 1895. Otto Meiling y créa la première station de ski de Bariloche, à l’époque où on montait les pistes à pied. C’est sur ce mont qu’il avait sa maison  (qu’il avait baptisée Berghof, le même nom que la résidence de Hitler à la montagne). Bien vieux, il perdait un peu l’esprit, mais quand on l’emmenait en montagne il marchait d’un pas ferme.

     

    Chapitre 14 - Refugio Frey

    Refuge Frey - Photo Albert Castello

    Il y avait cinq ou six refuges autour de la ville. Nous connaissions les gardiens, qui faisaient partie du CAB, le Club Andino Bariloche.

    Chulengo était le gardien du refuge appelé General San Martin, le héros de l’Indépendance argentine. La femme du Général s’appelait Remedios de Escalada. Son nom bien sûr était marqué sur l’armoire à pharmacie de la salle commune. (Jeu de mots sur le nom de cette dame, qui signifie littéralement « Remèdes -c’est un prénom en espagnol- d’Escalade )».

    Chapitre 14 - La montagne à Bariloche

     Chulengo

    Un beau jour Chulengo vit arriver un chien, un gros molosse blanc, qui prit ses quartiers au refuge.

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  • 15

    Ce fut l’école « Ski Intégral » qui me donna du travail pour la saison. Le propriétaire, un militaire, possédait également une agence de tourisme en ville, une boutique de fringues sur la rue principale, et détenait la concession de la boutique de l’unique hôtel à la station de ski.

    Cette année-là la neige se fit prier. Ce fut la galère pour toute l’industrie de l’or blanc, et particulièrement pour nous, les moniteurs. Les compagnies des remontées mécaniques supprimèrent les couloirs réservés aux écoles de ski et à leurs clients. Il fallut faire la queue comme tout le monde. On perdit des heures et des heures. Certains comptaient l’attente dans l’heure de cours, sans vergogne. Autant dire qu’il restait un quart d’heure de leçon, pas plus. Je ne pouvais me résigner à faire cela. Déjà que l’heure n’était pas donnée, c’était carrément du vol. Même si la clientèle avait les moyens. Un client porteño – de Buenos Aires – particulièrement snob insista pour que je lui donne le cours en français. Il ne comprenait pas ma langue, mais ça faisait chic. Parfois je n’en pouvais plus de le voir raide comme un piquet sur ses planches, et passais à l’espagnol pour lui dire de fléchir un peu les genoux. Je me faisais rabrouer : « En francés, Sandra, en francés por favor ! ».

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